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réduit de la France armée. — Tout était dirigé contre le vainqueur de 1870, et, comme le disait alors un Ministre de la guerre, le pays tout entier avait le regard hypnotisé vers l’Est.

De la marine, il n’était que peu question. Pourtant quels superbes arsenaux la France possédait, et quoi de plus réconfortant que le spectacle de leur merveilleuse activité !

Vous n’ignorez pas, mes enfants, que les arsenaux sont de vastes établissements dans lesquels on construit des vaisseaux, et d’où ces vaisseaux sortent munis de tout ce qui leur est nécessaire pour naviguer et pour combattre ; c’est aussi là qu’on les répare quand ils sont endommagés, et qu’on les conserve en temps de paix, lorsqu’ils sont « désarmés », suivant l’expression consacrée. Un arsenal est donc une grande usine, renfermant des chantiers, des ateliers, des magasins, des approvisionnements de toutes sortes.

Après ceux de Toulon et de Brest, l’arsenal de Cherbourg est un des mieux outillés de notre pays, et, dès son arrivée, Georges s’était promis de le visiter en détail. Il en avait facilement obtenu l’autorisation du major-général de la flotte, pour lui et son ami Zahner.

Ce jour-là, les deux officiers commencèrent leur examen par une visite à la fameuse digue de Cherbourg, qui met la rade à l’abri des coups de l’ennemi et des flots du large.

C’est certainement, mes enfants, l’un des plus merveilleux travaux de construction maritime qui soit au monde. Songez que cette digue a près de quatre kilomètres de longueur, qu’elle porte trois forts et qu’elle a surgi du fond de la mer, créée entière par la main des hommes. Le marin qui accompagnait les deux officiers, un vieux loup de mer qui avait vu l’inauguration du port par Napoléon III, en 1858, devant la reine d’Angleterre, leur expliqua que la jetée sous-marine, supportant la muraille, avait plus de deux cents mètres à la base, et que la muraille bâtie sur cette île artificielle submergée aux deux tiers à marée haute, avait neuf mètres de hauteur sur neuf mètres de largeur : l’emploi de ciments hydrauliques en avait fait un monolithe capable de résister aux plus violentes tempêtes.

— Ça a dû coûter cher, un travail pareil, s’exclama Zahner !

— Dame, fit le vieux, la mer l’a détruite deux fois d’abord, et paraît qu’il y a là-dedans pour soixante-dix millions d’argent.

En quittant la digue, le canot doubla le fort du Homet qui, enraciné sur