Page:Driant - L’invasion noire 1-Mobilisation africaine,1913.djvu/124

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Pendant que ses partisans se réunissaient, il était venu chercher les dernières instructions du sultan, en même temps que les armes qui lui étaient destinées et dont un dépôt considérable avait été constitué à Aghadès.

Des émissaires avaient été envoyés par lui aux Arabes et surtout aux Kabyles algériens, leur recommandant d’attendre son arrivée pour se soulever, afin de mettre les garnisons françaises en présence d’une révolte intérieure, au moment même où se présenterait l’ennemi du dehors.

Telle fut la situation qu’exposa Ben-Amema, le chef des forces musulmanes, qui devait opérer sur la côte barbaresque, lorsque le sultan rassembla le soir, dans une grande djemaa[1], les chefs réunis à Aghadès.

Il y avait là, avec lui, le cheik suprême des Touaregs, le vieil Ischriden, et le chérif de l’Adrar, Hadj-Ibrahim, ce dernier commandant l’armée de Mauritanie formée par les contingents de l’immense pays qui s’étend entre le Maroc et le Sénégal.

— En résumé, dit Omar, tu as deux objectifs principaux : Alger et Tunis ; tu marcheras de ta personne contre le premier et Ben-Othman, le caïd des Ouled-Yacoub, qui concentre actuellement ses forces à Ghadamez, se dirigera contre le second.

— Tout est bien prévu ainsi, répondit Ben-Amema.

Après lui, Ischriden prit la parole. C’était un des spécimens les plus étonnants des coureurs du désert. Quoique d’un âge très avancé, âge dont il n’aurait pu donner le chiffre à dix ans près, il était encore droit, souple et vigoureux. D’une maigreur extrême, il se vantait de n’avoir jamais fait qu’un repas par jour, d’avoir vécu de grains, de dattes, de figues, de persica et d’herbe, et de n’avoir jamais touché ni oiseau ni poisson. L’insulte qu’il prodiguait le plus aux Arabes était celle de « grands mangeurs ». Pour lui, des gens préoccupés de leur ventre, étaient au dessous des animaux, car le chameau est sobre et ne mange que pour soutenir ses forces. Aussi, les Européens tenaient-ils pour lui le milieu entre la chèvre et le porc, et son mépris pour eux était souverain.

  1. Assemblée.