Page:Driant - L’invasion noire 1-Mobilisation africaine,1913.djvu/129

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— J’ai visité ce pays, dit Ibrahim ; nous laisserons Gibraltar et ses canons et nous passerons le détroit en face de Tarifa, au point où il est le moins large[1].

— Mais les vaisseaux anglais, que Dieu les maudisse, fermeront complètement le détroit.

— Ils n’empêcheront jamais les milliers de barques que je ferai réunir et construire au besoin, de faire le trajet pendant la nuit.

— Il n’y a plus de nuit maintenant pour eux, dit Omar, car avec leurs foyers électriques ils pourront éclairer le détroit comme en plein jour ;

— Alors nous passerons ailleurs ; qui sait, du reste, si nous ne pourrions utiliser ce passage sous-marin que les Espagnols ont construit récemment pour relier leur province de Tanger au continent ; par la surprise, tout est possible ; quoi qu’il en soit, je t’affirme, qu’en moins de deux mois, j’aurai inondé l’Espagne de noirs, dussé-je m’attaquer pour cela aux vaisseaux eux-mêmes.

— Il faut que tu passes, dit le sultan, car c’est à toi de frayer la route. Toute l’armée du Nord te suivra dès que tu auras pris pied en Espagne ; je compte, d’ailleurs, sur toi pour envahir la France par les Pyrénées, au moment où j’y arriverai par l’Orient ; nos efforts combinés ne seront pas de trop pour venir à bout de ce dernier peuple.

Dans ton passage à travers l’Espagne, reprit le sultan, ordonne à tes soldats d’épargner les villes remplies des souvenirs de nos ancêtres : Cordoue, Séville, Grenade : rappelle-toi que l’Alhambra doit redevenir le palais d’un nouveau khalife d’Occident.

Il se tut et reprit :

— Quel rêve ! la civilisation arabe reprenant son essor et, comme jadis, dominant le monde !

Qu’importe la disparition de cette civilisation européenne qui repose sur le matérialisme, l’athéisme et le mépris des lois de Dieu.

Et c’est celle-là que l’Europe voudrait nous imposer à coups de canon : c’est celle que Stanley, ce cruel voyageur, a promenée sur le Congo, en mitraillant des milliers de

  1. Le détroit de Gibraltar, dans ce point, n’a que quatorze kilomètres.