Page:Driant - L’invasion noire 1-Mobilisation africaine,1913.djvu/138

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C’était une puissance : Stanley songea à l’utiliser au point de vue de la civilisation, et Tippo-Tib, séduit par ses propositions, devint un simple agent de l’état belge.

Mais le grand marchand d’esclaves ne devait pas se contenter longtemps de ce rôle effacé, et après avoir causé par son inertie la mort du major Barthelot, il se retourna contre les Belges.

Le haut Congo fut alors ensanglanté par le massacre des lieutenants Tolbalk et Michiel, et de la mission Hodister.

La ligue antiesclavagiste mise en branle par le cardinal Lavigerie ne pouvait rester sous le coup d’échecs semblables, et, en 1893, les capitaines Jacques et Joufert dans le Katonga, le lieutenant Dhanis sur le Luolaba, vengeaient la mort des soldats chrétiens.

Ce fut alors que mourut Tippo-Tib, et son fils Nzigué, qui lui succéda, sentit que l’heure était venue d’inaugurer une nouvelle tactique.

De marchand d’esclaves il se fit marabout et marabout conquérant.

Par quels prodiges réussit-il, de 1895 au siècle suivant, à appeler à la foi musulmane ces millions de noirs voués au fétichisme et au cannibalisme, c’est ce qui n’étonnera pas les historiens lorsqu’ils se rappelleront qu’à l’origine, Mahomet, sans autres disciples que sa femme Khadidja, son oncle Abou-Taleb et son ami Abou-Bekr, put, en vingt-deux ans, faire accepter une nouvelle religion à vingt peuples divers.

C’est que l’islamisme a pour lui sa parfaite simplicité.

Pour le musulman il y a un seul Dieu, maître de tout.

Il y a des peines et des récompenses dont la description est accessible à toutes les intelligences, et sa morale est renfermée tout entière dans un livre de 200 pages.

En quinze ans, Nzigué avait groupé en un faisceau formidable les habitants du bassin congolais ; il avait arrêté l’expansion belge et se trouvait prêt à entraîner derrière lui pour la guerre sainte plus de 800.000 combattants, tous animés du fanatisme des nouveaux convertis.

On leur avait parlé de l’Europe comme d’une proie assurée, de l’Europe qui produisait ces tissus, ces perles, ces clous dorés, ces armes, ces bateaux, ces merveilles importées