Page:Driant - L’invasion noire 1-Mobilisation africaine,1913.djvu/148

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sait les impressions et les récits du père Ohrwalder, missionnaire autrichien, fait prisonnier par le Mahdi et ayant réussi à s’évader de son camp après dix ans de séjour auprès de lui.

On apprit, en le lisant, qu’un grand empire nègre musulman, car son fondateur sortait de la tribu aborigène des Baggaras, dominait tout le Nil moyen et barrait victorieusement la route aux Anglais ; que son chef battait monnaie d’or et d’argent, émettait du papier et habitait une capitale de 150.000 habitants, Ondurmann, bâtie sur la rive gauche du Nil, en face de Khartoum, détruit.

On apprit qu’il commandait une armée de 80.000 hommes, armés du fusil Remington, qu’il possédait des fabriques de poudre et de fulminate, faisait revivre l’industrie de l’acier, créait des manufactures d’armes à El-Obeid, et dirigeait sur le Nil Blanc une escadre de bateaux à vapeur[1]

Puis, des proclamations lancées par lui vinrent compléter les renseignements que Wingate, un officier anglais avisé, s’était bien gardé de divulguer ; dans l’une d’elles, le descendant du Mahdi faisait connaitre au monde qu’il ne connaissait qu’un ennemi : l’Anglais[2].

Aussi le sultan, qu’animait la même haine contre le protecteur de la Turquie et l’envahisseur de l’Egypte, trouva-t-il, dans cette partie de l’Afrique, un terrain tout préparé en même temps qu’un auxiliaire remarquablement organisé.

Et quand, après six ans de séjour dans le Bahr-el-Ghazal, il commença à réunir en faisceau toutes les agglomérations musulmanes isolées sur le continent noir, il trouva auprès du Mahdi sa première adhésion.

Ce dernier avait, en effet, senti chez le Commandeur des croyants, une influence morale supérieure à la sienne et n’avait pas hésité à se placer sous ses ordres.

Ses masses, plus mobilisables que celles des pays voisins en raison de leur état de lutte incessante vis-à-vis de l’Angleterre, avaient été les premières prêtes et les premières

  1. Colonel de Polignac. France et Islamisme.
  2. Olivier Pain, évadé de Nouméa, pénétra jusqu’au Madhi qui l’accueillit fort bien ; mais les Anglais ; craignant l’influence de ce Français dans cet empire naissant, le firent disparaître comme ils ont toujours su faire disparaître les adversaires gênants.