Page:Driant - L’invasion noire 1-Mobilisation africaine,1913.djvu/164

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C’était là, dans l’une des trois chambres, qu’assise tout le jour sur une natte, Nedjma songeait, tissant de petits paniers avec l’écorce de « l’uros »[1], ou ingénieusement fabriquant avec des fibres d’élaïs, les filets que Baba tendait le soir dans la rivière.

Il entra : elle n’y était point ; à sa place accoutumée était. assise Alima, la femme de Mata, gardien du trésor.

La petite négresse s’était prise d’affection pour Nedjma ; reconnaissant en elle une fille de grande tente, elle s’était constituée sa servante et venait passer auprès d’elle les journées pendant lesquelles Mata veillait dans le souterrain.

Elle chantait une mélopée traînante de son pays en s’accompagnant sur une guitare primitive à trois cordes faites d’une écaille de tortue, et s’interrompit, quand la natte d’entrée se souleva, laissant passage au capitaine.

— Où est Nedjma, fit-il surpris, car la jeune mauresque ne sortait jamais qu’avec lui, très craintive au milieu de ces noirs de races si diverses.

— Elle vient de sortir, répondit-elle.

— Où est-elle allée ?

— Notre seigneur le sultan l’a envoyée chercher.

— Le sultan !

— Oui.

— Et qui est venu la chercher ?

— Deux hommes, un Arabe et un Noir ; je ne connais ni l’un ni l’autre.

— Elle a d’abord dit qu’elle voulait t’attendre, mais le blanc a répondu que tu étais toi-même au bôma, près du maître, et que tu l’y attendais : alors elle est partie de suite.

— Moi, près du sultan… mais je viens du camp…

— Tu ne viens pas du bôma ?

— Non !…

— Mais alors ce mensonge, fit tout à coup l’officier frémissant, c’est un moyen inventé… pour l’entraîner.

Et il bondit vers la porte.

— Pour l’entraîner où ?… Sais-tu de quel côté elle est partie, fit-il, saisissant les poignets de la négresse, hors de lui…

  1. Figuier.