Page:Driant - L’invasion noire 1-Mobilisation africaine,1913.djvu/165

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— Par là, fit-elle, en se tournant vers la forêt…

— Mais ce n’est pas la direction du bôma…

— Je ne sais pas, moi, pourquoi ils ont pris par là, fit-elle tremblante, sentant qu’un malheur était dans l’air…

Soudain, de Melval poussa un cri ; au fond d’une des allées qui, à travers la baneraie, conduisaient à la forêt, il venait d’apercevoir trois silhouettes traversant le chemin.

— Malédiction ! fit-il.

Et se précipitant dans la pièce qu’il occupait avec Zahner, il décrocha son revolver.

— Baba ! cria-t-il en heurtant la cloison de la pièce voisine où l’Arabe se tenait généralement avec Hilarion, Baba, prends ton couteau et viens avec moi, vite, vite !…

Et sans s’inquiéter s’il était suivi, il se précipita au dehors.

Le soleil se couchait dans les hauts palmiers : il fit cinq cents mètres environ dans l’allée que venaient de traverser les trois ombres, s’arrêta, tendant l’oreille…

Il n’entendit que les battements de son cœur, crut remarquer une trouée sur sa droite, des plans brisés, des jeunes pousses foulées, et entra sous le dôme de verdure des bananiers… L’ombre du soir s’étendait autour de lui…

II s’arrêta de nouveau, étreint par une angoisse indicible…

Nedjma ! cria-t-il d’une voix étranglée. Nedjma !.

En ce moment, il eût donné tout son sang pour entendre le son de sa voix…

— Nedjma ! répéta-t-il, en mettant toute son âme dans cet appel.

Il crut entendre un gémissement étouffé à quelque distance, s’élança…

Il était sur la bonne piste : devant lui on marchait, on fuyait même, car, sans rien voir, il entendait le bruit des broussailles violemment traversées.

Il précipita sa course et arriva à une clairière : soudain, à 20 mètres de lui, deux hommes passèrent portant un fardeau, une masse blanche inerte. C’était elle…, il ne pouvait s’y tromper…

Il bondit : un restant de jour filtrait à travers les troncs élancés, montrant la vieille futaie qui succédait aux bana-