Page:Driant - L’invasion noire 1-Mobilisation africaine,1913.djvu/188

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teindre l’autre extrémité de ta voie ferrée, c’est-à-dire Tambouctou.

— Tambouctou !

— Tambouctou ! répéta une voix derrière eux.

Ils se retournèrent : la jeune fille était debout ; elle avait relevé son voile et les yeux pleins de larmes s’avançait vers les deux interlocuteurs.

— Vous allez à Tambouctou ? répéta-t-elle d’une voix étranglée.

— Oui mademoiselle, est-ce que ce nom vous rappellerait !…

— Je vais te conter cela, reprit l’ingénieur, qui prit son enfant dans ses bras et l’installa sur sa chaise avec une infinie douceur… Oui, ce nom lui rappelle les angoisses auxquelles elle doit la figure défaite que tu vois ; elle si fraîche, si jolie, si gaie… Là-bas, à l’autre extrémité du réseau saharien, il y avait des postes français dont on n’a plus de nouvelles, dont les officiers ont été abandonnés par leurs troupes, et parmi ces derniers un jeune capitaine qu’elle s’était habituée, un peu malgré moi, je dois l’avouer, à considérer comme son fiancé.

— Pauvre enfant ! murmura l’aéronaute.

Les larmes de la jeune fille redoublèrent ; l’exclamation qu’elle venait d’entendre lui prouvait suffisamment que l’espoir, toujours tenace au fond d’elle-même, n’avait guère d’écho chez les autres.

M. Fortier baissa la voix et continua son récit.

Christiane avait rencontré le capitaine de Melval à Alger, au palais du Gouvernement, dans un bal donné par le commandant du 19° corps, gouverneur général de l’Algérie, et, depuis, elle était devenue rêveuse, inquiète, nerveuse, s’absorbant des jours entiers dans des méditations sans fin.

Il avait pu enfin faire avouer à sa fille les raisons de cette transformation ; désagréablement surpris d’abord, il avait fini par en prendre son parti.

Ce que ne pouvait dire le père, parce qu’il n’en avait pas été le témoin, c’est que de tendres aveux avaient été échangés entre les deux jeunes gens ; ce qu’il ignorait, c’est que la veille du départ de l’officier pour Tambouctou, elle lui avait donné sa photographie, et que, depuis, elle n’avait