Page:Driant - L’invasion noire 1-Mobilisation africaine,1913.djvu/214

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pas vers les embarcations, qu’à tout hasard et par mesure de précaution, l’ingénieur avait fait mettre en état de flotter.

Le jeune homme était radieux.

— Bravo ! bravissimo ! s’écria-t-il enthousiasmé : ce n’est pas dix, mais mille ballons que nous allons construire au retour ; enfoncés les bateaux, chemins de fer, omnibus et bicyclettes ; impossibles les rencontres, déraillements, écrasements et autres accidents spéciaux aux pauvres gens qui rampent sur ce misérable globe !

— Accidents que nous remplacerons avantageusement par des chutes à grande vitesse, fit l’ingénieur en riant.

— Possible, fit Guy, que l’enthousiasme tenait décidément outre mesure, mais avec elles du moins on ne souffrira pas.

— Parfaitement juste, répondit le savant, car personne n’en réchappera et il n’y aura pas de jaloux.

— Et pas « d’interviews » non plus, conclut le jeune boulevardier en veine de belle humeur, on ne peut plus maintenant survivre à un déraillement sans voir sa maison envahie par les reporters ; quand tous les passagers, employés, capitaines et mécaniciens auront piqué une tête de 1.000 mètres de hauteur, les journalistes se tiendront tranquilles.

Et certainement, à cette heure, les hétaïres du Jardin de Paris n’eussent plus reconnu le jeune noctambule de l’année précédente, plus soucieux de contempler le « coucher d’Yvette » ou le « lever d’une Parisienne » que de calculer un angle de chute.

Un cri poussé par Gesland interrompit ces réflexions.

— Terre ! terre !

Tous les regards se tournèrent vers le point que le mécanicien indiquait du doigt : à l’horizon, une tache sombre apparaissait, qui s’élargit rapidement pendant que le ballon montait.

— C’est l’ile de Minorque, dit l’ingénieur, la plus orientale des Baléares.

Une heure après les voyageurs l’atteignaient, et la traversaient en quelques bonds dans sa plus grande largeur en rasant la ville de Mahon.

— Ils eurent à peine le temps d’entrevoir les fameux parapets de la citadelle prise et reprise, pendant le XVIII° siècle,