Page:Driant - L’invasion noire 1-Mobilisation africaine,1913.djvu/230

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— Pour la raison que je vous indiquais tout à l’heure. Les Arabes, généralement divisés en sectes hostiles les unes aux autres, nous ont fait la part belle avec leurs dissensions depuis soixante-dix ans : aujourd’hui, sur un ordre que l’on dit venir du Niger, ils oublient leurs divisions pour marcher sous l’étendard du Prophète, et l’on voit des tribus comme celles des Douairs et des Tidjani trahir une fidélité vieille d’un demi-siècle et faire cause commune avec les envahisseurs : nous ne trouvons plus d’espions que parmi les juifs, et n’en trouverons bientôt plus, car chaque matin on ramasse dans les rues de la vieille ville le cadavre de quelqu’un d’entre eux, la gorge ouverte.

— Voilà un tableau bien sombre, mon général.

— Sombre, oui, mais nullement assombri, croyez-moi : en ce moment on hésite en France à m’envoyer les 30.000 hommes que j’ai demandés ; je souhaite vivement n’avoir pas à en demander 30.000 autres dans un mois.

— Mais à quels effectifs avez-vous donc affaire ?

— Impossible de le préciser. Tout ce que je puis dire c’est qu’ils sont énormes : les communications ont été coupées partout, dans le M’zab, à Ouargla, à El-Oued ; nous ne pouvons savoir ce qui se passe au-dessous du 33° degré de latitude.

— Si Dieu m’aide, je pourrai peut-être vous fixer à cet égard, mon général.

— C’est vrai ; la traversée extraordinaire que vous venez d’accomplir prouve que vous êtes maître de votre marche et de votre direction ; quelle vitesse pouvez-vous atteindre ?

— 135 kilomètres à l’heure en air calme sous l’angle de chute de 23 degrés.

— C’est merveilleux ! et quel itinéraire allez-vous suivre ?

— J’allais vous prier de me le fixer : ne suis-je pas à votre disposition et à vos ordres ?

— J’accepte vos services, mon cher ingénieur, ils sont précieux en cet instant critique. Je pense donc que vous devez d’abord gagner Laghouat, et y atterrir pour avoir des renseignements : de là vous obliqueriez vers nos colonnes par Brézina et vous vous mettriez en relations avec le général qui les commande.

— Quel est-il ?