Page:Driant - L’invasion noire 1-Mobilisation africaine,1913.djvu/231

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— Le général Quarteron.

— Vous pourrez alors vous porter en reconnaissance en avant de l’armée : à partir de là, d’ailleurs, je ne puis plus vous donner d’indications précises : le mieux sera je crois de vous mettre à la disposition du général Quarteron comme vous avez bien voulu vous mettre à la mienne.

— On m’a demandé à Paris de pousser jusqu’au Niger, et plus loin si c’était possible, afin de savoir exactement si le mouvement se généralise comme on le craint.

— Plus loin ! c’est beaucoup dire.

— Trop, peut-être ; je m’inspirerai des circonstances.

— Dans tous les cas, télégraphiez-moi de Laghouat avant de pousser vers le Sud.

— Vous pouvez compter sur moi.

— Bonne chance, et Dieu vous aide ! fit le général en tendant la main à l’aéronaute qui la serra chaleureusement.

Pendant que cette conversation avait lieu au Palais du Gouvernement, une scène d’une tout autre nature se passait dans un des coins les plus reculés d’Alger.

Un Arabe, enveloppé dans un grand burnous qui le recouvrait entièrement et dont le capuchon rabattu sur les yeux ne permettait pas de distinguer le visage, gravissait les escaliers d’un de ces couloirs étroits qui, sous le nom pompeux de rues, montent tortueusement vers la Kasba.

Il franchissait rapidement et sans tâtonner les dédales qui serpentent sous les arcades jetées d’une maison à l’autre, et glissait sans bruit sous les voûtes supportées par des colonnes antiques, entre les lourdes portes ogivales aux boiseries ornées de clous et les fenêtres grillées derrière lesquelles des yeux invisibles observent sans cesse.

Il croisait, sans se retourner, les Mauresques aux larges pantalons bouffants, se traînant par deux sur leurs sandales trop élevées et ne montrant sous le voile que leurs yeux noirs entourés d’un cercle de bistre.

Des nègres du Souf, aux vêtements sombres, des Biskri aux gandouras brodées, des juifs au regard fuyant, à la barbe inculte, à la ceinture et au turban noirs, passaient affairés sans qu’il se dérangeât d’un pas pour les éviter.

Il traversa l’une des rues réservées aux Ouled-Naïd, à ces jolies filles du Sud qui viennent gagner dans les villes, par