Page:Driant - L’invasion noire 1-Mobilisation africaine,1913.djvu/24

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l’état de souverain nominal, il possédait encore une grande influence sur les populations de la côte orientale et promettait de l’employer pour réunir, à l’entrée de la mer Rouge, tous les bâtiments et les barques qui sillonnent le canal de Mozambique.

Puis successivement parlèrent les chefs ou les représentants des tribus noires du Transvaal et de l’Etat libre d’Orange, des peuplades du haut Zambèze, des populations de Kaolo, de Damara et de Namakoua tombées sous le joug allemand, des nègres de Benguela et de Mossamédés las des vexations portugaises, des Achantis plus acharnés que jamais contre les Anglais, de la République noire de Libéria, et de beaucoup d’autres peuplades dont les noms sont inconnus des géographes européens.

Et le soleil était levé sur le champ de carnage de la nuit, que des chefs parlaient encore et que le vieillard écoutait toujours.

Il écoutait les Almany des côtes de Guinée parlant de l’enthousiasme de leurs guerriers, les cheiks des naturels de l’Adamaoua et du Cameroun énumérant leurs troupes, et son œil brilla lorsque Da-Glé, fils de Béhanzin, du Béhanzin vaincu par le général Dodds et mort misérablement dans l’exil après sa reddition, assura que les Dahoméens restés fidèles au souvenir de sen père avaient, dans l’espoir de la revanche, renoncé à leur religion sanguinaire pour embrasser l’Islam.

Les torches s’étaient éteintes, les Pygmées étaient rentrés sous le dôme obscur de leurs bois.

Un silence se fit et pendant un instant le khalife resta immobile les yeux dans le vague, roulant dans sa tête les projets qui allaient mettre en feu une moitié du monde habité.

Puis il redressa sa haute taille :

— Treize millions ! dit-il, vous représentez ici d’après mes calculs plus de treize millions de combattants ! quels peuples, quelles armées pourraient arrêter ce torrent !

« Que dix millions seulement arrivent en Europe et le vieux monde a vécu.

« Il a vécu ! c’est écrit !

« Mektoub ! répéta-t-il. »