Page:Driant - L’invasion noire 1-Mobilisation africaine,1913.djvu/244

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fait jaillir l’eau chaude de puits tellement profonds qu’ils atteignent les entrailles de la terre. En ce moment le général d’Alger parle à travers des centaines de lieues avec le général qui commande l’armée du Sahara, il converse avec lui comme je cause avec toi. Doutes-tu de tous ces faits ? non, car ils crèvent tes yeux ; et l’année dernière, quand le Touat se révolta, te souviens-tu de la terreur qu’inspira aux Arabes le nouveau fusil des soldats montés sur des chameaux ; il lançait 1100 balles par minute sans bruit et sans fumée. De tout cela tu ne doutes plus.

Et comme les Arabes restaient muets.

— Il en sera de même de cette invention nouvelle, poursuivit Saladin ; elle va semer l’épouvante au-dessous d’elle jusqu’au jour où elle trouvera ce Sultan du désert dont tu parlais tout à l’heure et le ramènera à Alger, comme jadis Bou-Haddad, le révolté d’In Salah, impuissant et enchaîné.

— Mais que peux-tu et que veux-tu ?

— Ce que je peux ? d’abord livrer au Sultan cette machine terrible dirigée contre lui.

De nouveau les deux grands prêtres échangèrent un regard.

Avaient-ils affaire à un fou ou à un espion envoyé par les autorités françaises ?

L’interprète devina la cause de leur hésitation.

El fahem ifhem, dit-il, employant un proverbe arabe qui signifie : « l’intelligent comprend ». Crois-tu donc que si j’avais voulu vous dénoncer et vous arrêter, dès ce soir, j’aurais perdu mon temps à venir te trouver ? En sortant d’ici, avec les autres, je n’avais qu’à aller rapporter au colonel, chef du bureau des affaires indigènes, ce que j’y avais entendu, et votre affaire était claire à tous les deux.

Votre méfiance n’a donc pas de raison d’être ; elle risque seulement de priver votre Maître de l’appui que je veux lui donner et dont il vous saura gré.

— Explique tes paroles clairement, dit le Mofti et que Dieu te maudisse si la vérité n’habite pas dans ton cœur !

Quand Saladin quitta la mosquée, il savait ce qu’il voulait savoir et serrait précieusement dans sa ceinture aux