Page:Driant - L’invasion noire 1-Mobilisation africaine,1913.djvu/250

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nieur Roland a vu, dans l’Oued-Righ, des journées de + 46 degrés succéder à des nuits de - 3 degrés.

— A quoi cela tient-il ?

— Au « rayonnement nocturne » qui amène pendant les nuits une condensation notable de vapeur d’eau et des rosées abondantes dont profite la végétation.

— Alors, dans ce pays brûlé, c’est pendant la nuit que les plantes peuvent boire ?

— Comme tu le dis, car la pluie y est à peu près inconnue ; nous allons atteindre une région où il pleut à peu près tous les sept ans.

Mais n’est-ce pas à cette absence de vapeur d’eau que l’on peut attribuer la transparence de l’air ?

— Evidemment ; regarde la différence d’aspect des objets tels qu’ils apparaissent ici, et tels que nous les voyons en France ; vois ces collines jaunes encore très éloignées. On y distingue les taches formées par les broussailles ; ces petits points noirs très lointains les uns derrière les autres qui vont, se déplaçant lentement sur la plaine grisâtre, ce sont des nomades qui émigrent avec leurs chameaux ; à Paris et à cette distance-là, nous ne verrions que brumes.

— C’est vrai.

— C’est cet air lumineux, d’une merveilleuse transparence, qui donne aux paysages algériens ce charme qui attire les peintres…

— Et qui ramène en Afrique tous ceux qui y ont passé quelques années, ajouta l’interprète ; ainsi, j’ai vécu en France dix-huit mois, je n’ai jamais pu m’habituer à son terne climat et à ses horizons rétrécis. Cette lumière douce nous devient nécessaire a notre insu[1].

— Mais vous êtes bien né en Algérie ? demanda l’ingénieur. M. Fortier m’a dit que vous en étiez originaire.

— M. Fortier s’est mépris avec beaucoup d’autres personnes qui me supposaient la même origine : ma mère était créole a la Martinique, et c’est d’elle que je tiens le teint légèrement bronzé de mon visage.

— Mais vous avez habité l’Algérie dès votre enfance ?

— J’y suis arrivé à douze ans : j’y ai donc passé vingt-

  1. GUY DE MAUPASSANT. Au Soleil.