Page:Driant - L’invasion noire 1-Mobilisation africaine,1913.djvu/64

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que les femmes de là-bas vaudront celles que je rassemble ici avec tant de soin ?

— C’est affaire de goût, répondit le jeune homme en riant : il m’est bien difficile de comparer les blanches que j’ai vues avec les femmes de ton harem, puisque je ne les connais pas.

— Veux-tu que je t’en offre une ?

— Tu en as donc en double ?

— Non, mais je retrouverai aisément la jolie négresse Toucouleur que je te destine.

— Grand merci, je ne te cache pas que la plus ordinaire des Parisiennes me parait préférable à la plus séduisante de tes épouses Manghis.

— Que dis-tu ? ces payennes ont un tel charme !…

— Un charme qui me les a toujours fait regretter, oui, Mao.

Et, ce disant, le jeune Arabe tomba dans une mélancolie dont ne purent le tirer aucune des lourdes plaisanteries de son interlocuteur, lequel se promettait de recruter en Europe un second harem dans lequel il n’oublierait pas de loger quelques Parisiennes bon teint.

Il n’avait jamais entendu prononcer ce nom, ne connaissant que les Français et les Anglais : il crut donc qu’il s’agissait d’une race à part et se promit d’en retenir le nom.

Cependant Omar, lancé sur la pente de ses souvenirs, remontait à une dizaine d’années en arrière.

Il se voyait, débarquant à Paris sous la conduite d’un des ministres de son père et reçu à la gare par l’attaché militaire turc.

Mais il n’avait fait qu’y passer et, de suite, on l’avait expédié sur Saint-Cyr où il avait échangé son fez contre un képi rouge et bleu.

Et les souvenirs de la vieille école lui revenaient en foule.

Au début, il est vrai, il avait eu de la peine à se faire à une vie si nouvelle pour lui : ses goûts, ses habitudes, sa religion étaient si différents de tout ce qu’il voyait autour de lui ; mais combien tous ces jeunes gens avec lesquels il avait vécu deux ans s’étaient montrés bons et serviables avec lui !