Page:Driant - L’invasion noire 1-Mobilisation africaine,1913.djvu/94

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bouleversait tellement ses idées, qu’il ne cessait de répéter tout en courant ;

— C’est incroyable !… incroyable !

Ils firent ainsi deux kilomètres, puis, essoufflés, s’arrêtèrent pour s’orienter.

Le camp tout entier était en flammes, les wagons, les piles de traverses, tout brûlait.

Et soudain, en se retournant, un autre spectacle s’offrit à leurs regards.

À l’horizon, Tambouctou brûlait aussi ; l’incendie rougissait l’horizon et les palmiers des jardins se profitaient sur le ciel ombragé comme des décors de théâtre.

Nedjma mit la main sur l’épaule du capitaine.

— Ne va pas par-là, dit-elle ; là-bas, c’est la mort aussi.

Sa voix avait repris sa douceur habituelle et elle était aussi calme que si rien d’extraordinaire ne fût arrivé.

Elle avait raison : mais il ne fallait pas songer davantage à se diriger vers le Nord, où les postes du Transsaharien avaient évidemment subi le même sort ; ni vers l’Ouest, où les Maures étaient embusqués à courte distance.

À l’Est, c’était l’inconnu.

— Par-là ! fit le capitaine, en montrant du doigt la direction du Nord-Est.

De ce côté, en effet, on se dirigeait vers le dernier poste français d’Amguid occupé par la légion étrangère, mais on en était à quatorze cents kilomètres.

Quatorze cents kilomètres ! la distance de Paris à Rome !

À six heures du matin, la petite troupe avait fait vingt-deux kilomètres ; elle était hors de vue, et, aussi loin que le regard pouvait porter, aucun être humain n’apparaissait du côté du camp ; ils n’avaient donc pas été suivis.

Ils cherchèrent des yeux un abri contre le soleil, qui, déjà, montait brûlant au-dessus des lointaines collines de l’Adghagh.

Aucune végétation n’apparaissait sur cette mer de sable.

Ils s’assirent au pied d’une dune pour délibérer.

Et, comme après quelques phrases échangées sur l’horrible situation où ils se trouvaient, les deux officiers restaient silencieux, Baba sortit de dessous son burnous une musette remplie de provisions : pain, dattes et conserves.