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Page:Driant - L’invasion noire 3-fin de l’islam devant Paris,1913.djvu/20

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Sous la direction de cavaliers turcs connaissant tous les sentiers, la funèbre caravane se dirigea vers Scutari.

Elle atteignit sans encombre, au nord de la ville, une petite crique sur le Bosphore, abritée de la lumière électrique des bâtiments anglais par un groupe de bananiers ; plusieurs caïques attendaient et les misérables victimes y furent empilées, puis à force de rames, leurs équipages essayèrent de passer, pour déposer sur l’autre bord leur horrible cargaison.

Mais on veillait à bord des vaisseaux anglais et à peine les barques avaient-elles pénétré dans les eaux des bâtiments que des canots à vapeur se détachèrent des cuirassés pour leur donner la chasse.

Ils n’eurent pas de peine à les entourer et à les arrêter, s’attendant à trouver à leurs bords des émissaires du Sultan portant aux fidèles de la ville des instructions ou des encouragements.

Mais il est impossible de décrire la stupeur des marins anglais en voyant soudain d’inoubliables fantômes se dresser au fond des barques et rassemblant leurs dernières forces, se jeter sur eux pour les étreindre dans un mortel embrassement. D’abord ils ne comprirent rien à cet envahissement d’hommes sans armes, s’accrochant à eux et les mordant comme des bêtes fauves. Mais sous la lueur des projections électriques, ils virent les bubons, les taches noires de la peau, les écumes sanglantes et les yeux vitreux de ces revenants dont la mission suprême était de semer la mort autour d’eux.

Alors ce fut une lutte atroce à grands coups de sabre et de hache, les Européens tentèrent de se débarrasser des tentacules empoisonnés qui se collaient à leurs membres et, dans cette lutte nocturne, les vainqueurs payèrent chèrement leur victoire. Car trois jours après, deux cuirassés à tourelles quittaient le Bosphore et disparaissaient du côté des Dardanelles : le choléra était à leur bord.

Mais ce n’était qu’un résultat partiel et totalement insuffisant. C’est à Constantinople même que le Sultan avait voulu répandre la contagion, dût-il tuer la moitié de la population, et quand on lui apprit le lendemain que pas une des barques remplies de malades n’avait pu franchir le détroit, il entra dans une colère insensée.