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Page:Driant - L’invasion noire 3-fin de l’islam devant Paris,1913.djvu/74

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Et en quelques mots entrecoupés, il lui dépeignit l’affreuse agression, le suicide de l’enfant, la vengeance qu’il en avait tirée.

— Je l’ai emportée, dit-il, je n’aurais pas pu la laisser là-bas.

— Tu as bien fait, dit Zahner, dont un voile de deuil assombrit aussitôt les pensées joyeuses.

Et pendant une autre heure la barque emportée par le courant toujours rapide, quoique moins violent, fila du côté des Dardanelles, laissant au Sud les iles des Princes.

Au Nord et au Sud les côtes s’évanouissaient dans le lointain, la mer de Marmara s’élargissait.

Cependant la sultane était revenue complètement à elle ; elle s’était soulevée, avait regardé autour d’elle et, dans cette barque de fantômes silencieux, s’était accoudée sur un des bordages sans dire une parole.

Où était-elle maintenant et que lui réservait sa destinée ?

Où était son fils Omar qu’elle se rappelait avoir entrevu dans un rêve ?

Elle ne le reconnaissait pas parmi les ombres qui l’entouraient.

L’aurore pointa du côté du golfe d’Ismid et fit pâlir les feux de l’armée noire qui en bordait les hauteurs à perte de vue.

Alors seulement les fuyards s’aperçurent qu’ils n’étaient pas seuls sur cette mer au courant rapide autour d’eux des points noirs naviguaient de conserve, nombreux, se heurtant : c’étaient des cadavres de cholériques et de pestiférés dont se débarrassaient ainsi les occupants des deux rivages, et Mata dut en repousser plusieurs qui s’obstinaient à suivre le sillage de la barque.

Mais ce spectacle ne troublait guère les passagers ; n’étaient-ils pas cuirassés contre les émotions de cette nature ?

Quand les premiers rayons du soleil vinrent frapper le caïque, de Metval se pencha vers Nedjma et découvrit son visage.

Il n’avait pas été défiguré par l’épouvantable chute. Elle était calme dans son dernier sommeil, et la finesse de ses traits, l’ovale parfait de son visage, le dessin exquis de sa bouche disaient la pureté de sa race.