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Page:Driant - L’invasion noire 3-fin de l’islam devant Paris,1913.djvu/75

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Mais ses grands yeux qu’elle avait fermés en tombant pour ne pas voir le vide effrayant, ses grands yeux de gazelle étaient éteints sous les paupières bleuâtres, et ses cheveux couleur de nuit étaient encore remplis de la poussière du sol.

Le soleil était haut déjà et de Melval, accablé, la regardait encore.

Elle était la douce enfant du désert, celle qui lui avait fait oublier la trahison et l’oubli, celle qui l’avait suivi partout sans tourner la tête, celle qui avait tenu jusqu’au bout des promesses qu’elle n’avait pas faites et était morte pour garder un serment qu’elle n’avait pas prononcé.

Pourquoi la destinée avait-elle coupé cette fleur au moment où il allait la transplanter sur la terre de France ?

Existait-il donc une Providence pour sentir qu’elle s’étiolerait sur un sol étranger, pour prévoir l’abandon de l’aimé dans ce milieu trop plein de souvenirs passionnés, et fallait-il croire qu’une puissance invisible et juste avait brisé le beau corps de Nedjma pour éviter que bientôt son cœur ne fût brisé ?

Il s’agenouilla près d’elle, prit sa main déjà froide et lentement enleva les anneaux d’argent, de cuivre et de corail qu’elle portait aux doigts depuis son enfance ; il détacha de son cou le collier de pierres vertes et bleues qui ne la quittait jamais, jeta à la mer l’amulette de gris-gris qu’elle avait prise à Zérouk pour conjurer le mauvais sort et les tentatives des Monbouttous, et lui croisa les deux bras sur la poitrine.

Un instant il songea à retirer les deux gros anneaux d’argent qu’elle portait aux pieds, à les emporter comme des souvenirs de leurs longues marches à travers plaines et bois, mais ils avaient été rivés à ses chevilles lorsqu’elle avait douze ans.

Il se tourna vers Zahner et à voix basse :

— Tu vas m’aider, dit-il ; je veux qu’elle soit ensevelie dans la mer, qu’elle repose au fond, au milieu des algues ; elle parlait souvent de l’Océan de son pays, elle l’aimait : je ne veux pas qu’elle aborde aucune terre et soit touchée par d’autres que par nous.

Il la souleva sous les bras avec des précautions infinies, mais le courage lui manqua : un sanglot le secoua,