Aller au contenu

Page:Driant - L’invasion noire 3-fin de l’islam devant Paris,1913.djvu/77

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Laisse-moi, dit Zahner s’approchant, je puis… faire seul et puis… il ne faut pas qu’elle surnage.

— Oh ! non, dit de Melval suppliant, il ne faut pas…

Zahner chercha des yeux un corps lourd pour remplacer le boulet qu’on attache aux pieds des morts sur les vaisseaux avant de les lancer à la mer ; mais il ne trouva rien : il n’y avait à bord que des vivres et des effets.

Mais ses yeux tombèrent sur les sacs d’or qu’avait fait embarquer le jeune prince pour aider à leur fuite ; il en éventra un, y prit un sac de dimensions plus petites sur lequel était écrit en arabe le chiffre 500 ₤ c’était, en livres sterling anglaises, une somme de 12.500 francs, sous un poids de 5 kilogrammes ; l’officier l’attacha rapidement à l’un des anneaux du pied.

Puis il souleva le corps comme il eût fait d’un enfant endormi.

De Melval cacha sa tête dans ses mains…

Quand il la releva, Nedjma n’était plus dans la barque.

Zahner l’avait déposée avec une douceur infinie dans son dernier lit, et quelques rides grandissantes à la surface du miroir des eaux montraient seules l’endroit où venait de disparaître à jamais la « petite étoile ».

Quand le soir parut, de Melval n’avait pas quitté sa position accablée.

A la prière de Zahner seulement, il s’était vêtu à l’européenne, car il ne fallait pas risquer, en cas de rencontre d’un vaisseau de guerre anglais, de se voir cribler de projectiles comme une simple cargaison de pestiférés.

La Sultane, elle aussi, avait pris son parti de cette nouvelle existence et des exigences qu’elle lui imposait, et elle était méconnaissable dans un accoutrement de miss anglaise trop étroit pour sa poitrine opulente, trop étriqué pour sa taille que jamais le corset n’avait comprimée.

Tant bien que mal et pendant que ses compagnons se retiraient discrètement à l’avant de l’embarcation, elle s’était travestie, résignée à montrer son visage et à vivre de la vie européenne, puisque c’était Omar lui-même qui lui en imposait l’obligation.

Si les deux officiers n’eussent eu le cœur plein de lugubres pensées, la transformation subie par Hilarion les eût mis de joyeuse humeur.