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Il s’assoit, il pisse, il chie. Il se relève, s’essuie, renoue son pyjama. Il se regarde dans la glace. Quelle mine ! La gueule des pires jours est déjà repeinte à grands traits. Il se brosse les dents. Il allume une cigarette, il réfléchit. Il a beaucoup de choses à faire ce matin, avant le déjeuner : téléphoner à Cyrille pour lui dire qu’il ne viendra pas déjeuner ou pour lui dire qu’il viendra ; téléphoner à Dubourg. Pourquoi ? Pour lui dire de venir le voir l’après-midi. Mais non, ne pas téléphoner à Dubourg. Pas de courrier. Rien de Dorothy. Pas de radio de Lydia. Aïe ! Le cercle de la solitude armé de pointes intérieures se fait de nouveau sentir. Il faudra bien se tuer. Pourtant, sur la table, il y a encore tous ces billets à distribuer. Il a, somme toute, peu dépensé hier. Encore plusieurs jours, mais que faire ? Où aller ? Qui voir ? Eh bien, il y a la drogue. C’est usé, c’est lent, c’est insuffisant. Prendre une dose énorme. Il l’a fait plusieurs fois ; il s’est foudroyé plus qu’à demi. Il n’est pas mort, mais il peut en mourir. Se tuer de cette façon-là, quelle lâcheté !

Non. Alors ?

Il y a le revolver, là, entre deux chemises, dans l’armoire. Oui, mais il ne faut le toucher que tout à fait décidé. On a le temps puisque la décision est foncièrement prise. En attendant, il y a cet argent. Mais cette absence des femmes, ce silence des femmes, définitif. L’impossibilité de revoir ses amis. Les entendre se répéter devant eux.