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Page:Drieu la Rochelle - Le Feu Follet (1931).pdf/82

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Il dit pourtant :‬

— Écoute, tu te trompes sur mon cas, ne te fie pas aux apparences. Tu crois voir ici un petit bourgeois résigné. Mais je vis beaucoup plus intensément que du temps des saouleries et des coucheries. Je finirai pas écrire un livre où il y aura toute la vertu de cette Égypte. Elle coule déjà dans mes veines. Et de mes veines cela s’écoulera dans les veines d’autres êtres. Nous serons plusieurs à nous réjouir.


Alain haussa les épaules. Il exerçait contre Dubourg deux préjugés contradictoires : d’une part, il lui reprochait son optimisme – l’optimisme se confondait pour Alain avec la vulgarité ou l’hypocrisie ; d’autre part, la vie, pour lui, ce ne pouvait être que geste et non pas pensée. Il n’avait aucune idée que la vie pût prendre ses sources dans des replis discrets comme cet appartement de la rue Guénégaud. Aussi ne put-il s’empêcher de répliquer : ‬ — Tu n’as pas l’air si content de la vie que tu mènes maintenant.

Comme Alain s’y attendait, Dubourg broncha aussitôt. Si Dubourg était fortement attaché aux idées, il n’était pas aussi bien attaché à lui-même ; ce qui faisait qu’il desservait d’autant les idées.

— Moi, cela n’a aucune importance, marmotta-t-il. Ce qui compte, c’est la pensée qui me traverse.