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— Mais si tu t’embêtes.

— Fanny, cette maison qui sent le vieux, tout cela fait partie de ma passion.

— Tu n’as plus l’œil brillant que tu avais autrefois.

— J’ai vieilli.

— Alors, tout ce que tu me dis…

— Non, je n’ai pas vieilli. Je ne suis plus un jeune homme, mais je ne suis pas vieux. Je vis beaucoup plus qu’avant. Voila le problème pour toi, il faut sortir de la jeunesse pour entrer dans une autre vie. Je n’ai plus d’espoir, mais j’ai une certitude. Tu n’es pas fatigué des mirages ? Au fond, tu n’as pas besoin de plus d’argent que je n’en ai.

— J’ai horreur de la médiocrité.

— Mais depuis dix ans, tu vis dans une médiocrité dorée, la pire de toutes.

— J’en ai assez, justement.

— Et alors ?

Dubourg regretta aussitôt cette exclamation ; car il était effrayant de poser d’ultimes questions à Alain.

— Si je me redrogue, je me tue.

— Je t’empêcherai de te redroguer. Qu’est-ce que tu vas faire dans un mois quand tu sortiras d’ici, tout à fait retapé ?

Dubourg faisait effort pour prononcer avec fermeté ces paroles confiantes.

Alain n’osa pas lui parler de son projet de boutique.