un jurisconsulte illustre, dont la haute et sereine intelligence était étrangère à toute influence fanatique, Portails, se prononçait très clairement sur ce point, dans un mémoire qui est un chef-d’œuvre d’impartialité et de bon sens.
L’Assemblée constituante avait cru que, pour rendre les Juifs bons citoyens, il suffisait de les faire participer indistinctement et sans conditions à tous les droits dont jouissent les citoyens français ; mais l’expérience a malheureusement prouvé que, si on n’avait pas manqué de philosophie, on avait manqué de prévoyance.
L’erreur vient de qu’on n’a voulu voir qu’une question de tolérance religieuse dans le problème à résoudre sur l’état civil des Juifs en France[1].
Les Juifs ne sont pas simplement une secte, mais un peuple. Ce peuple avait autrefois son territoire et son gouvernement ; il a été dispersé sans être dissous ; il erra sur tout le globe pour y chercher une retraite, et non une patrie ; il existe chez toutes les nations sans se confondre avec elles ; il ne croit vivre que sur une terre étrangère. Cet ordre de choses tient à la nature et à la force des institutions judaïques.
Quoique tous les États aient en général un même objet, celui de se conserver et de se maintenir, chaque État en a pourtant un qui lui est particulier : l’agrandissement était l’objet de Rome ; la guerre, celui de Lacédémone ; la culture des lettres, celui d’Athènes ; le commerce, celui de Carthage, et la religion, celui des Hébreux.
La religion n’est ordinairement relative qu’aux choses qui intéressent la conscience ; chez les Juifs, la religion embrasse tout ce qui fonde et régit la société. De là, les Juifs forment partout une nation dans la nation ; ils ne sont ni
- ↑ C’est ce que disaient les marchands de Paris en 1777, en employant une autre forme. C’est le point de vue auquel se placent les antisémites d’Allemagne, d’Autriche-Hongrie, de Roumanie, qui laissent absolument de côté la question confessionnelle.