Page:Drumont - La France Juive édition populaire, Palmé 1885.djvu/312

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cuter quelques Juifs à la place de ce vaincu, eut le triste courage de commander le feu… Le pauvre Arabe tomba en soulevant au-dessus de sa tête, comme par une sorte de protestation silencieuse, le mensonge écrit d’un Français.

Ce qui est plus saisissant encore, c’est que les Arabes furent soigneusement exclus de l’amnistie : on amnistia des Français qui avaient assassiné, incendié ; on fut impitoyable pour ces hommes qui étaient aussi excusables d’avoir voulu reprendre leur indépendance, que nous le serions de nous révolter contre les Prussiens, si nous étions conquis par eux[1]

  1. La question des Arabes fut la principale cause du rejet de l’amnistie, au mois de février 1886. On sait que Henri Rochefort avait pris l’initiative de cette proposition, que fit échouer le Polonais Krzyzanowski, plus connu à Paris sous le nom de Sigismond Lacroix. Le pamphlétaire profita de l’occasion pour exécuter son collègue de l’extrême gauche, qu’il convainquit, preuves en main, d’être un agent provocateur. Il est rare, lorsque deux républicains s’expliquent ensemble, qu’on n’apprenne pas quelque vérité.
      Rien de curieux comme la colère des députés juifs, qui sont hors d’eux-mêmes à la seule pensée d’amnistier ces Arabes, prisonniers déjà depuis de longues années. Étienne ne sait plus même ce qu’il dit ; « Ignorez-vous, s’écrie-t-il, qu’ils ont incendié des fermes, des femmes et des enfants ? » Thomson déclare qu’on ne peut libérer ces captifs, parce que l’on a profité de la circonstance pour voler leurs biens et qu’il faudrait les leur rendre. Camille Dreyfus se prononce énergiquement contre la proposition.
      Le refus de tout pardon, le droit, affirmé crûment par Thomson, de s’emparer des biens des insurgés, sont des précédents que la Prusse enregistre soigneusement, et qui lui serviraient, à l’occasion, à exercer toutes les violences contre les Alsaciens-Lorrains qui voudraient secouer le joug.
      La Russie tenait également à faire nier par un Polonais ce droit à l’insurrection que la Pologne a si souvent revendiqué contre ses oppresseurs, et elle s’est servie de Krzyzanowski. Tout cela montre bien la fin de la légende de la France révolutionnaire, émancipatrice de nations, généreuse, pardonnant