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Page:Drumont - La France Juive édition populaire, Palmé 1885.djvu/318

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tumes. Traîné à travers la France, les menottes aux mains, tandis que les hommes qui ont profité de la République servaient l’Empire ou faisaient de l’opposition à l’eau de rose ; mis au silo, cassant des cailloux sous le soleil, puis courant après un morceau de pain dans les rues de Paris, il n’avait eu qu’un moment heureux, le court moment où, après l’amnistie impériale, il avait été chargé de régir un immense domaine, dont les concessionnaires n’habitaient pas l’Algérie.

Parfois, après lui avoir dicté quelques pages réactionnaires, je lui disais : « Bourrez une pipe et parlez-moi de l’Algérie ! »

Alors la pensée de cette victime de la politique, de ce sectaire si durement traité par la Destinée, aux prises chaque jour avec la misère noire, grelottant l’hiver sous sa redingote râpée qu’il gardait propre quand même, s’en allait vers l’Afrique, vers les souvenirs des nuits claires passées à la belle étoile, vers les parfums des jardins, vers les silences profonds, vers ces grands espaces surtout où, débarrassé de toutes les vexations sociales, l’homme semble revenu à l’état édénique et se promène à travers ces étendues que nul ne songe à lui disputer.

Même à Paris, cet Africain d’adoption avait reçu des témoignages d’affection des Arabes, et, là-bas, il avait été aimé d’eux autant qu’il les aimait lui-même. Pourquoi ? Parce qu’il avait été probe, parce qu’il avait été juste, et que la justice, là plus encore qu’ailleurs, impressionne des gens qui n’y sont pas habitués.