Page:Drumont - La France Juive édition populaire, Palmé 1885.djvu/568

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dix ans. Pendant près de quarante années il avait prêché l’Évangile aux Indiens de l’Amérique ; puis, épuisé, souffrant cruellement de la poitrine, il était venu là pour se reposer. C’était une idée peu heureuse.


IV


En novembre, la neige couvre déjà l’Hermitage. Grâce aux dernières clartés du jour, le pauvre religieux se dirigea d’abord assez bien ; mais bientôt tout prit autour de lui un relief fantastique. Les chemins s’entre-croisèrent ; les silhouettes gigantesques des arbres, sous la réverbération de la neige, revêtirent des formes trompeuses ; le froid fît affluer le sang aux tempes du voyageur. Saisi par le délire, il s’imagina sans doute qu’il avait toujours Tarbouriech à ses trousses : il précipita sa course, et tomba dans des sentiers à peine praticables en plein jour. A l’aube, un bûcheron le trouva étendu, le crut mort, s’aperçut qu’il respirait encore, et parvint à le ramener à la vie.

Le pauvre homme n’en était pas moins perdu. Il revint à l’Hermitage, pour y achever une existence dont les jours étaient désormais comptés. Il aurait fallu, pour empêcher ce vieillard de rentrer chez lui, établir sur ces hauteurs un poste fixe de gendarmerie. On eût demandé les fonds nécessaires à la Chambre, que la gauche, toujours libérale, eût trouvé cette proposition admirable et digne d’elle ; on n’y songea pas.

Tel était le récit qu’on nous avait fait au village, un matin que nous partions en caravane pour accomplir cette excursion à l’Hermitage à laquelle nous ne manquons jamais, chaque fois que les vacances désirées