Page:Drumont - La France juive, tome premier, 3eme édition, 1886.djvu/260

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taire, il aurait réalisé un joli bénéfice dans l’emprunt Morgan, il eût damé le pion à Challemel-Lacourt et à Léon Renault dans les négociations financières.

Rien d’étonnant dans ces conditions que Voltaire ait été mêlé de bonne heure aux affaires des Juifs. Ce Français, au cœur prussien, résolut d’ailleurs le difficile problème d’être plus âpre au gain que les fils d’Israël, plus fourbe que ceux qu’il insultait.

Espion d’espion pour le compte de Dubois, telle est la posture, pour employer un mot de Ferry, dans laquelle se révèle d’abord à nous le grand homme cher à la démocratie française. Un curieux fragment de sa correspondance, auquel, seul de nos écrivains, M. Ferdinand Brunetière a fait une légère allusion[1], nous montre le philosophe à l’âge où les nobles sentiments fleurissent dans les natures les moins bien douées, dénonçant à Dubois un malheureux Juif de Metz, Salomon Lévy, qui faisait honnêtement son métier d’espion.

La lettre, adressée à Dubois à la date du 28 mai 1722, est intéressante pour l’ordre des études que nous poursuivons, elle éclaire bien la figure de Voltaire et nous montre également en action le Juif informateur cosmopolite pénétrant partout grâce à sa race[2]. Cela pourrait s’appeler les deux agents et servir de pendant à la lutte des deux policiers de Balzac : Peyrade et Contenson. C’est Voltaire, cependant, qui paraît le plus habile, peut-être parce qu’il est le moins scrupuleux :

  1. Etudes critiques sur l’histoire de la littérature française.
  2. Cette vocation est tellement innée chez eux que nous voyons Heine lui-même, « ce rossignol qui, selon une jolie expression, avait fait son nid dans la perruque de Voltaire, » émarger aux fonds secrets, pendant toute la durée du règne de Louis-Philippe.