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le juif dans l’histoire de france

déclamation à la Sénèque plus qu’une étude prise sur le vif de la société française.

Malgré tout, cette première phase eut une allure pittoresque, un entrain endiablé. Le Juif du Midi n’est pas éloigné de croire que l’Aryen a le droit de manger quelquefois ; il se frotte de lettres comme le Bordelais se frotte d’ail, il n’est point incapable d’apprécier un article de journal.

Le Constitutionnel, ce Voltaire de l’époque, le Pays, ce Paris de l’Empire, ouvrirent leurs caisses à des écrivains qui n’étaient pas sans talent. Millaud fonda l’Histoire qui tomba avant lui et le Petit Journal qui survécut à son neveu Alphonse. Sans avoir les nobles allures des Fermiers généraux, qui s’appelaient Lavoisier ou Beaujon, qui créaient la chimie ou fondaient des hôpitaux, les traitants de l’Empire se plaisaient à la société des artistes, ils furent même littérateurs à leurs heures ; à Solar, qui faisait jouer Clairon et Clairette, Millaud ripostait en donnant au Palais-Royal Ma Nièce et mon Ours.

À quelques-uns, comme à Solar, la fortune était venue sans qu’ils fissent grand chose pour la conquérir, en vertu de cette force secrète, qui amène l’argent au Juif comme le fer à l’aimant. À certains jours, l’auteur de Clairon et Clairette paraissait comme embarrassé de ses millions. Qui ne connaît le mot mélancolique de ce millionnaire malgré lui : « Paix et peu, telle a toujours été ma devise, j’ai toujours vécu dans le bruit et j’ai fini par avoir trop. »

Français déjà à demi, avant la Révolution, les Juifs de Bordeaux s’entouraient de Français ; leurs convives s’appelaient Dumas père, Ponsard, Albéric Second, Méry, Monselet.

Contents de vivre, ils faisaient construire des palais et restauraient de vieux châteaux lorsque les Juifs allemands