Page:Drumont - La France juive, tome second, 3eme édition, 1886.djvu/397

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qui étaient là purent en arracher cette nouvelle Rachel. Le prévôt fit périr chacun de ces Juifs avec tourments et honteuse mort, et cela sur le champ. Et il ne put s’empêcher de les maudire en disant : Celui-là aura le châtiment qui mérite le châtiment. Il les fit donc traîner par un cheval fougueux, puis suspendre de par la loi.

Et notre innocent reposa sur sa bière devant l’autel, tandis qu’on disait la messe. Puis l’abbé et son couvent engagèrent les bonnes gens à le faire enterrer de suite. Et quand on jeta sur lui l’eau bénite, l’enfant, arrosé de cette eau sainte, parla de nouveau et chanta Alma Redemptoris mater.

Cet abbé, qui était un saint homme (comme le sont les moines, ou du moins devraient l’être), se mit à conjurer le jeune enfant et dit : « O cher enfant, je t’implore en vertu de la Sainte-Trinité, dis-moi donc quelle raison tu as pour chanter, puisque ta gorge est coupée, ce me semble. »

« Ma gorge est coupée jusqu’à l’os de mon cou, dit cet enfant, et par voie de nature j’aurais dû mourir il y a longtemps. Mais Jésus-Christ, comme vous le trouvez dans les livres, veut que sa gloire demeure et reste grande dans les esprits, et pour l’honneur de sa Mère chère, je puis chanter encore Alma, haut et clair.

Cette fontaine de merci, du Christ douce Mère, je l’ai toujours aimée. Et sur le point de mourir je la vis venir à moi ; et elle m’ordonna de chanter cette antienne pendant mon trépas, telle que vous l’avez entendue. Et quand j’eus chanté il me sembla qu’elle déposait un grain sur ma langue.

Voilà pourquoi je chante et je chanterai bien sûr en l’honneur de cette Vierge bénie et toute bonne, jusqu’à qu’on enlève le grain de ma langue. Puis elle me dit aussi :