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Page:Drumont - La France juive, tome second, 3eme édition, 1886.djvu/507

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la justice républicaine ne put échapper que par la fuite à ceux qui voulaient le lyncher.

C’est encore une figure de magistrat bien curieuse que celle que le Figaro[1] nous présente dans la personne de M. Clerget-Allemand, président du tribunal civil de Macon et particulièrement protégé par M. Martin-Feuillée.

Son aspect était fruste, ses allures revêches ; son langage toujours dur lui avait fait donner le surnom pittoresque de « Gueule-d’acier. » Il ne prenait un ton plus doux vis-à-vis de ses subordonnés qu’en s’invitant à dîner chez eux — ce qu’il appelait modestement pâturer.

Cet homme aimable mourut au mois de juillet 1885 et un juge des nouvelles couches, du nom de Martin, dans le discours qu’il prononça sur cette tombe, offrit le défunt en exemple aux populations comme le modèle de toutes les vertus civiques. Hélas ! comme pour Guillot la douleur ne tarda pas à se changer en une stupéfaction générale.

On apprit alors, en effet, que ce magistrat avait exploité le pays sur la plus large échelle. Dénué de toutes ressources autres que son traitement, qu’il se faisait d’ordinaire payer d’avance, il avait mis à contribution et comme en coupe réglée nombre de gens et notamment les officiers ministériels qui étaient sous sa dépendance. Notaires, avoués, huissiers mêmes ont été victimes de ses manœuvres et de ses soustractions.

Voici comment il procédait. Il allait chez un notaire, et, après avoir parlé de ses propriétés ravagées par le phylloxéra — propriétés qui n’existaient que dans son imagination — il alléguait un embarras d’argent momentané et demandait à emprunter 3,000 fr. C’était le taux pour les notaires. Le notaire, craignant de se brouiller avec le président du tribunal, s’exécutait bon gré, mal gré.

  1. Figaro, 12 août 1885.