Page:Drumont - La France juive, tome second, 3eme édition, 1886.djvu/566

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cent ans. C’est le même mensonge, la même haine, le même peuple.

Saint Pierre fuyant la persécution aperçut tout à coup, sur la voie Appia, son divin Maître qui se dirigeait vers Rome en portant sa croix.

— Où allez-vous. Seigneur ? lui demanda l’apôtre.

— Je vais me faire crucifier de nouveau.

Saint Pierre comprit et retourna à Rome.

Sur nos boulevards qui ressemblent tant, avec leur mouvement incessant et le spectacle du luxe étalé partout, à cette voie Appia, que sillonnaient les litières de pourpre des courtisanes et les chars dorés des patriciens, il n’est pas de jour que je ne rencontre ainsi la douloureuse image du Sauveur. Il est partout, pendu aux vitrines populaires, exposé aux huées des faubourgs, outragé par la caricature et par la plume dans ce Paris plein de Juifs aussi obstinés dans le déicide qu’au temps de Caïphe ; il est le même qu’autrefois, consolant et doux, accomplissant des miracles, cheminant avec nous à travers les rues tumultueuses.

Pour beaucoup, je le sais, cette conception ne semble pas assez élevée. Pour s’excuser peut-être de leur inaction, ils ne veulent point se figurer un Christ qui souffre chaque jour, qui saigne des blessures qu’on lui porte, qui pleure des sacrilèges qu’on commet envers lui ; ils n’admettent pas que nous puissions être, selon la forte expression des premiers chrétiens, les collègues de la Passion du Christ[1]. Ils s’en tiennent à une sorte d’abstraction nuageuse qu’on est excusable de ne point défendre.

  1. Quid gloriosim quam collegam Passionis cum Christo factum fuisse ? Lettre des confesseurs de Rome à Saint Cyprien.