Page:Drumont - La France juive, tome second, 3eme édition, 1886.djvu/71

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pour tâter le terrain, sonder les banquiers, amorcer l’affaire, faire parler de lui, dans les journaux juifs, comme d’un grand patriote. L’Elias Mussali de celui-là était un Juif de Tanger, qui est le vrai maître à la légation : Haïm Benchimol, que nous voyons figurer dans l’Annuaire du Suprême Conseil pour la France et ses dépendances : « No 194. L’Union du Maroc, or.•. de Tanger (Maroc), Vénér.•. le F.•. Haïm Benchimol à Tanger. »

L’opinion, cependant, s’étant montrée tout à fait hostile à une seconde campagne de Tunisie, Ordega, grâce à la protection de l’Alliance, fut, à la fin de 1884, envoyé comme ministre à Bucarest, où les Juifs tiennent à avoir un homme à eux[1]. Il montra là un zèle si inconsidéré qu’il

  1. Comme la plupart des diplomates chargés aujourd’hui de représenter la France, cet Ordega se fait gloire de ne pas être d’origine française ; il appartient, non pas à la Pologne héroïque et croyante pour laquelle tous les chrétiens forment des vœux, mais à la Pologne ralliée aux Juifs. Dans le discours qu’il a prononcé avant de quitter Tanger et que nous ont transmis les Archives Israélites du 11 mars 1885, le nouveau ministre à Bukarest a eu soin de déclarer qu’il allait en Roumanie pour y soutenir les intérêts juifs. « Si je n’ai pas pris une part plus active à la défense des Juifs ici, dit-il, c’est que ma modeste action a été souvent contrariée et mal interprétée par d’autres agents consulaires. Il aurait donc été impolitique à moi d’agir chaque fois que je n’avais pas d’instructions directes de mon gouvernement. Mais vous pouvez être assurés que les Juifs de Demban et ceux du Maroc, en général, n’auront pas de meilleur défenseur que moi, aussitôt que je pourrai me départir de la réserve que j’étais obligé d’observer dans les fonctions que je quitte.
        « Dans le nouveau poste auquel je viens d’être appelé, je ne doute pas que mon initiative soit moins réservée. Les Israélites, en Roumanie, forment une communauté considérable dont la condition n’est pas, en général, des meilleures. J’aurai, par conséquent, une plus grande liberté d’action et mes sympathies pour les Juifs trouveront occasion de se manifester. »