Page:Drumont - La France juive, tome second, 3eme édition, 1886.djvu/87

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Cette impossibilité de penser par soi-même, cette facilité à se laisser conduire, fait d’admirables officiers de ceux qui, au lieu de traîner à Paris une existence qui est inutile parce qu’ils ne savent pas l’employer, entrent et restent dans l’armée. La discipline les dispense d’avoir un avis et ils en sont tout heureux. Ne demandez, en effet, même aux chefs, aucune initiative. Après avoir reconquis Paris sur l’insurrection, au risque de leur vie, ils se le sont niaisement laissé reprendre par quelques faiseurs de phrases, ils ont subi humblement toutes les injures qu’on leur a prodiguées. Aucun, pour sauver son pays de la honte, n’a eu la résolution d’enlever son régiment, sa brigade, sa division, non par respect pour l’autorité, croyez-le bien, mais parce que, pour agir de soi-même, il faut commencer par réfléchir et qu’un tel travail est au-dessus de leurs forces.

Le sentiment dominant dans l’aristocratie française et dans la haute bourgeoisie, qui marche dans son sillage, c’est l’amour du plaisir. Je ne parle pas, remarquez-le bien, de la débauche. La débauche est un violent stimulant qui, chez certaines natures, n’exclut pas l’énergie. Le lord d’Angleterre dévoré par le spleen s’efforce parfois de noyer, sous des flots d’ale et de scherry, l’Hamlet morose et maladif qui existe dans tout Anglais ; il est Falstaff avant d’être Nelson, Chatam ou Byron. Dans les universités d’Outre-Rhin, l’Allemand prélude, par des lippées dignes des buveurs très illustres de Rabelais, à sa destinée de soldat ou d’homme politique ; il est Gargantua avant d’être Bismarck. Le Français n’a point ces goûts que trahirait la faiblesse de son estomac ; on ne cite même plus de grands viveurs, comme on en comptait par centaines, il y a cinquante ans. Ce qui subsiste c’est, encore une fois, l’amour du plaisir, le désir de s’amuser.