Aller au contenu

Page:Du Bellay - L'olive augmentee depuis la premiere edition, 1550.djvu/26

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

XVIII.

Le chef doré cestuy blasonnera,
 Cestuy le corps, l’autre le blanc ivoire
 De l’estommac, l’autre eternelle gloire
 Aux yeux archers par ses vers donnera.

Comme une fleur tout cela perira,
 Mais en esprit, en faconde, et memoire,
 Quand l’aage aura sur la beauté victoire,
 Mieux que devant Madame florira.

Que si en moy le souverain donneur
 Pour tel subject heureusement poursuyvre
 Eust mis tant d’art, tant de grace, & bonheur,

Mieux qu’en tableau, en bronze, en marbre, en cuyvre
 Je luy feroy’, et à moy un honneur,
 Qui elle, et moy feroit vivre, & revivre.

XIX.

Face le ciel (quand il vouldra) revivre
 Lisippe, Apelle, Homere, qui le pris
 Ont emporté sur tous humains espris
 En la statue, au tableau, & au livre.

Pour engraver, tirer, decrire, en cuyvre,
 Peinture, & vers, ce qu’en vous est compris,
 Si ne pouroient leur ouvraige entrepris
 Cyzeau, pinceau, ou la plume bien suyvre.

Voilà pourquoy ne fault, que je souhete
 De l’engraveur, du peintre, ou du poëte
 Marteau, couleur, ny encre, ô ma Déesse !

L’art peult errer, la main fault, l’œil s’ecarte.
 De voz beautez mon cœur soit doncq’ sans cesse
 Le marbre seul, & la table, & la charte.