LXX.
Cent mile fois, & en cent mile lieux
Vous rencontrant, ô ma doulce guerriere !
Le pié tremblant me retire en arriere
Pour avoir paix avecques voz beaulx yeulx.
Mais je ne puis, et ne pouroient les Dieux
Frener le cours de ma volonté fiere.
Si je le puis, la superbe riviere
Fera le sien monter jusques aux cieulx.
Que te sert donq’ eloingner le vainqueur
O toy mon œil ! si au milieu du cœur
Je sen’ le fer, dont il fault que je meure ?
Ainsi le cerf par la plaine elancé
Evite l’arc meurtrier, qui l’a blessé,
Mais non le traict, qui tousjours luy demeure.
LXXI.
Le crespe honneur de cet or blondissant
Sur cet argent uny de tous coutez,
Sur deux soleilz deux petiz arcz voutez,
Deux petiz brins de coral rougissant,
Ce cler vermeil, ce vermeil unissant
Oeillez & lyz freschement enfantez,
Ces deux beaux rancz de perles, bien plantez,
Et tout ce rond en deux pars finissant,
Ce val d’albastre, & ces coutaux d’ivoire,
Qui vont ainsi comme les flotz de Loire
Au lent soupir d’un Zephire adoulci,
C’est le moins beau des beautez de Madame,
Mieulx engravée au marbre de mon ame,
Que sur mon front n’en est peinct le soucy.