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LXXII
Ce voile blanc, que vous m’avez donné,
Je le compare à ma foy nette, et franche :
L’antique foy portoit la robe blanche,
Mon cœur tout blanc est pour vous ordonné.
Son beau caré d’ouvrage environné,
Seul ornement et thesor de ma manche,
Pour vostre nom, porte l’heureuse branche
De l’arbre sainct dont je suis couronné.
Mile couleurs par l’aiguille y sont jointes,
Amour a faict en mon cœur mile pointes.
Là, sont encor’ sans fruict bien mile fleurs.
O voile heureux, combien tu es utile
Pour essuyer l’œil, qui en vain distile
Du fond du cœur mile ruisseaux de pleurs !
  
LXXIII
Le beau cristal des sainctz yeulx de Madame
Entre les lyz et roses degoutoit,
Et ce pendant Amour, qui le goutoit,
En arrousa le jardin de mon ame.
Au soupirer, qui les marbres entame,
Le ciel pleurant, et triste se voûtoit,
Et le Soleil, qui pleindre l’ecoutoit,
S’osta du chef les rayons de sa flâme.
Les ventz brusloient d’une chaste amitié,
L’air, qui au tour s’enflammoit de pitié,
En fist pluvoir une triste rousée,
Mes yeulx estoient deux fonteines de pleurs,
La terre adonq’ qui en fut arrousée,
En fist sortir mile amoureuses fleurs.