Page:Du Calvet - Appel à la justice de l'État, 1784.djvu/107

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incartade sema la terreur et l’épouvante dans tous les quartiers de ma maison. Mon épouse, alors enceinte, en fut la triste et la dernière victime : l’épouvante la fit tomber en syncope : la fièvre, accompagnée d’un crachement de sang, la saisit ; elle ne fit depuis que languir, dans le sein des douleurs, jusqu’au mois de décembre suivant, qu’elle expira dans toute la fleur de sa jeunesse. C’est ainsi que la galanterie militaire se joue impunément, en Canada, de la vie des sujets de Sa Majesté.

Un si lamentable évènement sembla amortir pour quelque temps la furie des conjurés ; mais leur rage renaissante prit de nouveaux efforts et se signala par des attentats qui pour le coup défiaient hautement les lois. Durant la nuit du 8 avril, 1779, je fus éveillé en sursaut par le vacarme d’un assaut violent, qui se donnait du dehors contre ma maison : me précipitant, à l’instant, sur mes habits et sur mon épée, je volai jusqu’au milieu de la rue où je distinguai pleinement sept à huit hommes armés de haches et de casse-têtes, qui, exerçant toute la vigueur de leurs bras à taillader et hacher par morceaux les balustres de ma galerie, disparurent comme un éclaire à mon approche. J’atteignis celui qui se trouvait derrière et je le relâchai, comme il se réclamait à moi pour un passant qui n’avait été que d’accident le spectateur de l’outrageante scène qui venait de se jouer. Le silence de la nuit