mais m’assener des coups, en plébéien de la classe la plus ignoble ; ils paraissaient enfoncés dans les abîmes de la plus sérieuse consultation ; sans doute qu’on y décidait des arrangements de l’exécution, qui se couvait : c’est bien dommage que M. de Rouville ne vînt pas, de compagnie, partager les éclaboussures de la mêlée ; peut-être aurais-je eu encore un demi-bras à son service, du moins l’aurait-il mérité à bien bon titre.
Le juge Mabane est un original si singulier, si unique, qu’il compte bien peu de copies : c’est un homme qui n’est jamais lui-même dans ce qu’il paraît au dehors ; il ne s’offre partout qu’en masque ; magistrat à Québec, et sage-femme juré à Édimbourg, c’est là qu’il a pris ses grades de docteur en jurisprudence française, dans les écoles de chirurgie. Chez lui ce n’est point communément le cœur qui décide de son amitié, ou de sa haine ; c’est l’esprit national, et cette nationalité va d’autant plus loin dans ses vengeances qu’il imagine avoir toujours tout le corps de ses compatriotes à venger avec lui : si des intérêts de passion personnelle viennent encore s’allier et renforcer le ressentiment de nation, le dénouement de la scène vindicative ne peut se développer que par la ruine de la victime, ou par le désespoir éclatant du vengeur. Un tel personnage était le dernier homme, que la sage politique aurait dû montrer, surtout en