place, dans une conquête. Son tempérament semble l’incliner vers la méditation, la contemplation ; on le prendrait pour un philosophe, un être pensant : point du tout ; ce n’est qu’un esprit inquiet qui se démène et qui s’agite ; et son humeur bourrue et brusque, jointe à une mine naturellement grimaçante, annonce qu’il n’est pas toujours d’accord avec lui-même ; comment le serait-il avec les autres ? Ses inclinations pencheraient assez vers l’économie ; mais il rassemble sur sa tête cinq à six places, la plupart de judicature : la vanité fait les honneurs de chez lui, il ne thésaurise point : en fait de hauteur naturelle, et d’arrogance impérieuse, il pourrait bien aller de pair avec ses deux collègues ; mais l’intérêt le dénature encore ici, et le rend souple, flexible, rampant, surtout auprès des grands : il était né sans fortune ; les places y suppléent, et la lui donnent ; voilà ce qui en fait tout à la foi un des plus lâches et des plus adroits flatteurs, qui aient jamais obsédé les palais de la grandeur ; c’est à la faveur de cette flatterie habile, qu’il s’était concilié les bonnes grâces des deux premiers gouverneurs ; mais comme rien n’est naturel chez lui, et que tout n’est que circonstance, il trahit à leur départ la cause de ses deux protecteurs ; sans doute qu’il prépare la même marche de tergiversation au gouverneur d’aujourd’hui, ce sera le comble de l’ingratitude ; car M. Mabane est le conseil, le confident, et la règle du général Haldimand, qui n’est que la dupe de son subalterne, et ne gouverne
Page:Du Calvet - Appel à la justice de l'État, 1784.djvu/117
Apparence