Page:Du Calvet - Appel à la justice de l'État, 1784.djvu/28

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le peu indulgent maître du vaisseau, M. Atkinson, alors en fonction de commandant, lui appris que tant de condescendance ne s’ajustait point à la nature de ses ordres, ajoutant avec une politesse tout-à-fait marine que « la dure était encore trop douce pour un prisonnier de son estoc » : M. du Calvet fut constamment condamné, à bord du bâtiment, à une nourriture salée et moisie qui appauvrit bientôt sa constitution au point de cracher du sang et de n’étaler plus dans sa personne que le spectacle pitoyable d’un fantôme émacié et d’un squelette vivant, méconnaissable à sa garde même ; car ses amis n’eurent jamais accès jusqu’à lui que tard, rarement, à la volée et toujours sous l’œil de témoins. Et son fils, âgé alors de six à sept ans ! ah ! jamais il ne fut admis une seule fois à aller par sa présence consoler son malheureux père dans ses fers.

Enfin le 14 de novembre, on crut devoir céder pour la montre aux représentations de M. du Calvet et faire mine au moins de se prêter à adoucir son sort. Il fut donc charrié en cérémonie soldatesque dans une prison militaire de Québec. C’était une barbarie raffinée qui avait ordonné ce changement de théâtre contre l’infortuné prisonnier. Son nouvel appartement représentait l’image d’un vrai tombeau, inabordable aux rayons du soleil et empreint d’une humidité si infecte qu’il semblait n’être pas fait pour être le domicile d’une créature raisonnable ; aussi le gouvernement français l’avait-il destiné à être une écurie à chevaux.