Page:Du Calvet - Appel à la justice de l'État, 1784.djvu/29

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C’était en effet une voûte spacieuse, à rez-de-chaussée, pavée de grosses pierres brutes, parée ou plutôt déparée par une longue enfilade d’une douzaine de grands vilains lits à la dragonne, flanquée de cinq à six larges auges, pleines jusqu’à la gorge de balayeures, de graillons ou guenillons moisis et pourris, de cendres et autres immondices de tout espèce. Quelques-unes de ces cuves avaient même, de longue main, servi de chaise d’affaires à cette file de goujats prisonniers, devanciers de M. du Calvet dans cet abominable lieu et recelaient encore les ordures humaines dont on les avait comblées.

Quel séjour pour une homme d’un famille respectable en France, honoré par le gouvernement d’Angleterre d’une place de dignité dans la magistrature et d’une fortune de distinction, même parmi la noblesse canadienne ! M. du Calvet n’eut pas plutôt respiré l’air de ce cloaque infect, qu’il fût presque renversé par le fumet saisissant et empoisonné des premières vapeurs. Au nom de la faiblesse qui le saisit et de l’humanité en pleurs qui sous tout gouvernement civilisé devait protéger la personne jusque dans les fers, il sollicita, la larme à l’œil, la liberté de faire à ses dépens purger ces divers retraits, au moins, de leurs tristes reliques des indécences ou plutôt des indignités soldatesques : cette lessive, qu’on croit devoir à la sûreté des animaux immondes eux-mêmes, fut, haut la main, reniée au suppliant. On fit, de ces ordures, les compagnes inséparables de sa captivité, tant on semblait l’avoir condamné à pourrir