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LA SANTÉ.

placé auprès de la Santé ; à distance, Sérizier s’imagina que celle-ci brûlait, fit changer l’objectif de ses pièces et sauva ainsi la maison dont il avait juré la perte. Il n’était point à bout de crimes. Là même où, pendant l’insurrection de juin 1848, on avait massacré le général de Bréa et le capitaine Mangin, il se chargea de démontrer quels progrès avait faits ce que l’on aime à appeler « l’adoucissement des mœurs ». C’est dans l’avenue d’Italie, n° 38, que l’on avait installé une prison disciplinaire qui relevait du ixe secteur. De cette prison Sérizier avait fait sa geôle particulière. Au dernier jour, il la vida par le massacre.

Sérizier avait été un condamné politique de l’Empire. Lors du 4 septembre, il était réfugié en Belgique ; il revint à Paris et eut quelque importance pendant le siège, ainsi que nous l’avons déjà vu, surtout à la journée du 31 octobre et à celle du 22 janvier. Après le 18 mars, nommé secrétaire de Léo Meillet, puis délégué de la Commune à la mairie du xiiie arrondissement, chef de la 13e légion le 1er mai, il commandait douze bataillons qui se battirent bien à Issy, à Châtillon, aux Hautes-Bruyères. Mais parmi ces bataillons il en est un qu’il choyait par-dessus les autres, sorte de bataillon personnel, composé d’amis, de compagnons, et qui était le 101e. « Le légendaire 101e bataillon, qui fut aux troupes de la Commune comme la 32e brigade à l’armée d’Italie, » a dit M. Lissagaray[1]. Ardent, grand parleur, gros buveur, ouvrier sans courage, vivant d’aumônes extorquées à l’Assistance publique, Sérizier exerçait une réelle influence sur les gens incultes dont il était entouré. Brutal et hautain, il savait se faire obéir et avait terrifié le xiiie arrondissement, qui tremblait

  1. M. Lissagaray a certainement voulu dire la trente-deuxième demi-brigade. (Hist. de la Commune, p. 393.)