Page:Du Camp - Les Convulsions de Paris, tome 1.djvu/248

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
226
MAZAS.

un homme admirable de dévouement, d’énergie et d’humanité dans son service, conférèrent rapidement entre eux, car il s’agissait, avant tout, de sauver les gardes de Paris. On les fit lestement filer par le chemin de ronde ; on leur ouvrit une petite porte dissimulée dans la muraille et qu’on nomme la porte de secours, parce qu’en cas de révolte des détenus, elle permet d’introduire la force armée dans la prison. Les soldats, soustraits à la vue des fédérés, furent réunis dans le couloir de la quatrième division. Ceci fait, on passa leurs fusils aux insurgés à travers les barreaux de la grande grille et l’on commença à parlementer. Le directeur essayait de faire entendre raison au capitaine fédéré, et il n’aurait sans doute pas obtenu grand succès s’il n’eût été appuyé par deux ou trois surveillants, anciens gendarmes, liés par une sorte de confraternité militaire avec les gardes de Paris et qui sortirent devant la prison pour se mêler aux groupes menaçants.

Le plus ardent de tous les fédérés était un sergent-fourrier, Belge de naissance, qui demandait que tous les soldats de « Trochu » fussent fusillés ; il ne voulait entendre ni objection, ni observation ; à tout ce qu’on lui disait, il répondait : « Ils ont tiré sur nous hier à Montmartre ; » et quand on lui expliquait que cela était impossible, puisque ces hommes étaient de service à la prison depuis quarante-huit heures, il répliquait : « Ça ne fait rien ! » Ce fut un surveillant nommé Eve, homme extrêmement doux, qui se chargea de le chambrer ; il l’emmena plusieurs fois chez le marchand de vin, invita aussi quelques fédérés, paya plus d’une « tournée », et, aidé de ses camarades, qui péroraient de leur mieux, il parvint à obtenir que les gardes de Paris auraient la vie sauve. « Ce sont des prisonniers de guerre, disait-il ; vous ne tueriez point des Prussiens, à plus forte raison vous ne tuerez point des Français. » La foule