Page:Du Camp - Les Convulsions de Paris, tome 1.djvu/29

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jusqu’alors, lui apportait, du moins pour la durée de la guerre, une force très imposante. La population, loyalement consultée et répondant loyalement, venait de dire son in manus ; elle remettait, sans restriction, son sort entre les mains de ceux qui auraient dit la diriger depuis deux mois. Les hommes du gouvernement, éclaires par l’expérience qu’ils eurent le loisir de faire à l’Hôtel de Ville pendant la soirée du 31 octobre, vont-ils tenter un effort sérieux ? Garrottés sur leur fauteuil, serrés de près, ils avaient vu parader devant eux les irréconciliables de toute légalité, les amoureux de guerre civile greffée sur la guerre étrangère, les commandants de bataillon, futurs chefs de la Commune ; ils avaient regardé le danger en face, et n’y avaient échappé que par miracle. Ont-ils compris enfin qu’il faut agir, sous peine de mort, et vont-ils chercher à condenser les forces vives de ce groupe de deux millions d’habitants qui vient de se donner à eux ? Savent-ils, comme dit Ernest Renan, que « le premier devoir d’une communauté est de tenir en bride ses éléments absurdes ? » Nullement ; tout reste dans le même état il n’y a que l’hiver qui s’approche, la famine qui s’accentue, l’espoir qui s’éloigne. Les bataillons insurgés ne sont point désarmés, les bataillons douteux ne sont point épurés, les bataillons dévoués ne sont point utilisés. À cette heure, il existait dans la garde nationale de Paris plus de 100 000 hommes aptes à faire un service excellent et à bien combattre, si l’on eût pris soin de leur donner une ébauche d’éducation militaire qui leur faisait défaut cet appoint nous était indispensable pour les tentatives de décembre et de janvier. Faute de l’avoir préparé, afin d’en pouvoir user au moment opportun, Paris désespéré est dans ses murs et a fini par se dévorer lui-même.