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LA MORT DE DELESCLUZE.

défaut de sagesse ou de patriotisme, exigeait que l’on mit bas les armes et que, pour une cause d’autant plus perdue qu’elle n’était pas née viable, on ne sacrifiât pas des milliers d’existences. C’est là ce que commandait l’humanité ; mais ce fut la passion qui l’emporta, et tout fut perdu.

Dès le début de la lutte suprême, les mesures de destruction sont prises et l’on met en action le programme trace le 27 novembre 1870 dans une séance du Comité de la Ligue à outrance : « Paris doit être brûlé ou appartenir aux prolétaires. » L’histoire, qui enregistre les excès de la cruauté humaine, nous prouve que tous les fanatismes se ressemblent. Dans Les belles figures et drolleries de la Ligue (1589), l’Estoile nous a conservé un fragment manuscrit qui s’applique avec précision aux évènements que nous essayons de raconter. « Pauvre peuple, s’écrie-t-il, ceux qui sont perdus en eux veulent te voir perdre avec eux. J’en demanderai la résolution prise en leur dernière assemblée chez le bon curé de Saint-Cosme, à l’issue de son sermon, qui fut que, n’ayant d’espoir, ils brusleroient tous les registres du Parlement, du Chastelet, de la Chambre des comptes et de l’Hostel de ville ; puis, s’assemblant par leurs quartiers, mettroient le feu chascun chez soy et s’efforceroient d’esteindre ceux qui s’efforceroient de l’esteindre[1]. » Les malfaiteurs de la Ligue et de la Commune peuvent se donner le baiser fraternel à travers les siècles.

Le 25 mai, la Commune était aux abois ; elle s’agitait encore et ne vivait plus ; mais les derniers spasmes de

  1. Bibl. nat., iii, réserve des imprimés : pièce manuscrite L. 25, a. 6, fol. xxi. Depuis que ce volume est écrit, le fragment que je cite a été publié (mars 1878) dans : Mémoires et journaux de Pierre de l'Estoile. Paris, Librairie des bibliophiles, in-8o, t. iv, p. 160.