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LA MORT DE DELESCLUZE.

sans réserve aux tentatives du 31 octobre et du 22 janvier, il valait mieux que le milieu où il était tombé. Méprisant les socialistes, qu’il traitait de rêvasseurs, il penchait, dans le Comité de salut public, vers les hébertistes, fut obligé de s’allier à eux afin de rester le maître, les subit et n’osa pas leur rompre en visière pour mettre obstacle aux cruautés qu’ils commettaient. S’il ne fut l’auteur principal des actes mauvais, il se laissa aller à en être le complice, et cela seul empêche de plaider les circonstances atténuantes en sa faveur.

Solidaire de son propre passé, engagé dans une voie où il ne voulait pas reculer, Delescluze sut mourir pour une cause à laquelle, dans le fond de sa conscience, il ne croyait plus. Il est mort découragé ; les saturnales auxquelles il assistait depuis deux mois ont dû lui prouver qu’entre les rêves et la réalité révolutionnaires il y a un abîme plein de sang et d’immondices. Il était décidé à ne point survivre à l’écroulement de ses espérances et peut-être aussi à l’anéantissement de ses illusions. Sa résolution semble avoir été arrêtée depuis longtemps. Le 22 janvier, voyant la débâcle des siens sur la place de l’Hôtel-de-Ville, il dit à Arthur Arnould, sur le bras duquel il s’appuyait : « Si la révolution succombe encore une fois, je ne lui survivrai pas. » Cependant une note secrète expédiée le 15 mai de Belgique à Versailles affirmait que Delescluze venait de faire louer un appartement à Bruxelles, afin de s’y réfugier après la défaite prochaine qu’il prévoyait. Cette note indique peut-être les fluctuations de cet esprit à la fois indécis et tenace. Aux dernières heures de la Commune, Delescluze paraît avoir renoncé à tout projet de fuite, car, dans la soirée du 24 mai ou dans la matinée du 25, il écrivit la lettre suivante : « Ma bonne sœur, je ne veux ni ne peux servir de victime et de jouet à la réaction victorieuse. Pardonne-moi de