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LA JUSTICE DU PEUPLE.

s’était perdu allait s’effondrer à jamais dans l’abîme qu’elle se creusait volontairement, il s’était jeté devant les otages, comme pour les protéger et, s’adressant à Hippolyte Parent, il lui criait : « Allons ! les hommes du Comité central, puisque vous êtes les maîtres, prouvez que vous n’êtes pas des assassins, ne laissez pas déshonorer la Commune, sauvez ce peuple de lui-même, ou tout est fini et nous ne sommes plus que des forçats. » Vaines paroles ; nul ne les écoutait. Des fédérés lui répondirent : « Va donc, avocat ! Ces gens-là appartiennent à la justice du peuple ! » Hippolyte Parent se taisait. Varlin eut un geste de fureur et essaya encore de parler ; quelques-uns de ses amis l’emmenèrent de force.

Les otages, enveloppés par la foule, étaient acculés dans un espace carré, assez large, qu’une barrière en bois séparait d’un jardin où l’on avait commencé une construction interrompue par la guerre. Contre une muraille élevée d’une douzaine de pieds, une cave inachevée formait une sorte de fosse ; un mur très bas, de cinquante centimètres environ, était le soubassement d’une maison future et servait de ligne de démarcation entre le grand jardin et l’étroit terrain où se trouvait le caveau, percé d’une simple ouverture.

Malgré les cris de mort et les menaces qui avaient escorté les otages depuis la rue de Puebla jusqu’à la cité de Vincennes, il y eut un moment, très court, d’hésitation. On avait appliqué le maréchal des logis Geanty contre la muraille d’une des maisons ; il se tenait, les bras croisés, immobile sous les pierres et la boue que lui jetaient les femmes[1]. On entendit armer quelques fusils ; on cria : « Ne tirez pas ! Ne tirez pas !

  1. « Il présentait à cet instant, dit le récit qui me sert de guide, l’image d’un homme aussi brave que juste. »