Page:Du Camp - Paris, tome 1.djvu/133

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

qui lui était adressée par un sieur Jean Alexandre à l’effet d’établir un télégraphe qui pouvait transmettre instantanément une dépêche, à la distance de 25 ou 30 kilomètres, à l’aide de deux cadrans alphabétiques ; l’inventeur affirmait que ni le brouillard ni même la nuit ne pouvaient empêcher son appareil de fonctionner. Des expériences publiques furent faites en présence des préfets de la Vienne et d’Indre-et-Loire ; elles parurent satisfaisantes ; les rapports furent favorables à la découverte nouvelle, mais nulle suite n’y fut donnée, et Alexandre est mort sans avoir livré son secret. En parlant de cette tentative avortée, M. Gavarret dit : « On ne peut s’empêcher d’être frappé des analogies qui existent entre ce système de communication et les appareils à cadran de la télégraphie électrique[1]. »

Dans l’état où la science se trouvait à cette époque, rien de sérieux ne pouvait être créé en pareille matière ; avant d’appliquer l’électricité à la transmission des dépêches, il fallait en déterminer les lois. Le télégraphe électrique n’aurait jamais existé sans Volta, Œrsted, Ampère et Arago ; s’il n’en ont point découvert le mécanisme, qu’ils n’ont même pas cherché, ils en ont fixé les

  1. Télégr. élect., J. Gavarret, p. 4. — Une analogie non moins frappante se retrouve dans une correspondance antérieure de trente ans aux essais d’Alexandre. L’abbé Barthélémy écrit à madame du Deffand : Chanteloup, 8 août 1772. — Je pense souvent à une expérience qui ferait notre bonheur. On dit qu’avec deux pendules dont les aiguilles sont également aimantées, il suffit de mouvoir une de ces aiguilles pour que l’autre prenne la même direction, de manière qu’en faisant sonner midi à l’une, l’autre sonnera la même heure. Supposons qu’on puisse perfectionner les aimants artificiels au point que leur vertu puisse se communiquer d’ici à Paris. Vous aurez une de ces pendules, nous en aurons une autre ; au lieu des heures, nous trouverons sur le cadran les lettres de l’alphabet… Vous sentez qu’on peut faciliter encore l’opération ; que le premier mouvement de l’aiguille peut faire sonner un timbre qui avertira que l’oracle peut parler. Cette idée me plaît infiniment. On la corromprait bientôt en l’appliquant à l’espionnage dans les armées et dans la politique. Mais elle serait bien agréable dans le commerce de l’amitié… » Correspondance inédite de madame du Deffand, publiée par M. de Saint-Aulaire.)