Page:Du Camp - Paris, tome 1.djvu/19

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capitale, qui exige tout, absorbe tout, s’assimile tout, et s’accroît sans cesse, la France a bien l’air d’être hydrocéphale. La tête n’est plus en proportion avec le corps.

C’est en vain qu’on a voulu arrêter ce développement, le fixer, lui ôter la possibilité de se manifester de nouveau : on invente des murailles, des murs d’octroi, des fortifications ; rien n’y fait ; Paris saute par-dessus, se répand dans la campagne, construit des faubourgs, les relie à la ville et s’agrandit. Du reste, tout obstacle l’irrite :

Le mur murant Paris rend Paris murmurant.

Lorsque l’on éleva cette enceinte, que nous avons tous connue et qui disparut après la loi d’annexion du 16 juin 1859, la colère contre Lavoisier, qui était Nivernais, disait : « Il faut le pendre. » A-t-on assez jeté les hauts cris lorsque Louis-Philippe, se souvenant de 1814, eut le bon esprit de faire fortifier notre capitale ? Et cependant quelle mesure plus sage aurait-on prise pour protéger les approches d’une ville dont la perte doit fatalement entraîner celle du pays entier ? Toutes les communes qui jadis avaient pris place hors des murs d’octroi sont englobées aujourd’hui dans le Paris actuel. Il a 33 900 mètres de tour. Une telle ceinture, si ample, embrassant un périmètre de huit lieues et demie, lui suffira-t-elle ? Non pas, et sans être grand prophète, on peut affirmer qu’avant cinquante ans Paris, continuant son mouvement irrésistible vers l’ouest, rejoindra la Seine entre le bois de Boulogne et Saint-Ouen.

Paris est bien forcé de s’agrandir, car c’est tout ce qu’il peut faire que de contenir sa population, qui augmente avec une inconcevable rapidité : 1816, 710 000 habitants ; — 1826, 890 000 ; — 1836,